Homélie du 3 Mars 2024

, par  JFR

HOMELIE MESSE DU GROUPEMENT

3 MARS 2024

Je ne suis pas sûr que la majorité de nos paroissiens soient affectés par le sens de cette messe du groupement. Je pense que la plupart demandent juste d’avoir une messe quand ils en ont besoin, et de préférence dans une église qui leur parle et dans une communauté à laquelle ils ont le sentiment d’appartenir. Tout ceci est très sain et aurait dû demeurer encore longtemps dans nos pratiques ecclésiales.
Malheureusement, le nombre de pratiquants réguliers diminuant fortement, nos communautés aussi ont diminué et nous n’avons plus un curé, une paroisse/village, une communauté mais un ou deux prêtres, des villages, des communautés. Cela nous permet de garder cette sensation de faire communauté. Et c’est bien aussi car c’est peut-être un des sens profond des textes bibliques d’aujourd’hui.

PREMIERE LECTURE

  • le livre du Deutéronome qui est une méditation théologique a posteriori sur les événements de l’Exode et les exigences de l’Alliance avec Dieu.
  • Dieu n’est pas jaloux de nous, mais de notre liberté ; il veut nous préserver de nous engager sur de fausses pistes.
  • Les premiers commandements concernaient notre relation à Dieu. Viennent ensuite les commandements concernant notre relation à autrui, les parents, en premier lieu, puis tous les autres. « Honore ton père et ta mère… Tu ne porteras pas de témoignage contre ton prochain… » Car relation à Dieu et relation aux autres sont étroitement liées.

PSAUME
Car « la loi du Seigneur est parfaite » à tel point qu’elle redonne vie ! Vie à nous-mêmes, vie à nos communautés, régulant nos relations avec le Seigneur, avec les autres et avec notre environnement naturel, avec, au coeur de ces trois relations une quatrième : notre relation à nous-même, grâce à cette liberté donnée…par le Seigneur lui-même.
C’est ainsi que nous sommes certes trois communautés, qui parfois se réunit pour n’en faire qu’une parce qu’il n’y a qu’une seule Eglise, qu’une seule loi de liberté du Seigneur, qu’un seul Seigneur, qu’une seule foi, qu’un seul baptême.
Cette loi du livre du Deutéronome (= deuxième loi) nous libère de tout ce qui nous empêche de vivre l’Eglise, communauté créée et vivifiée par l’Esprit du Seigneur. Celui-ci nous libère de nos penchants mauvais, ce que la Parole de Dieu appelle les idoles. Celles-ci nous referment sur nous-mêmes.

DEUXIEME LECTURE
C’est sans doute celle qui nous raccroche le mieux au carême, personnellement et communautairement. Sans la croix du Christ, notre communauté paroissiale et nos communautés de vie ne pourraient être d’Eglise, signe de l’amour du Seigneur. Nous serions trop emportés par nos egos respectifs. Alors que la croix est justement le lieu où Dieu se révèle !!! Et c’est en cela qu’elle nous délivre ! Car, enfin, nous connaissons Dieu tel qu’il est !!! Car la croix est le lieu de la révélation du plus grand amour ! Un amour capable d’aller jusque-là.
Ainsi quand nous essayons de tout notre coeur de convaincre quelqu’un de la foi chrétienne, ne nous inquiétons pas de notre insuffisance ! Elle est structurelle, parce que ce mystère de Dieu ne peut que nous échapper. Ce n’est pas pour rien qu’au beau milieu de l’Eucharistie, au moment du récit de la Pâque, justement, nous disons « Il est grand, le mystère de la foi » !

EVANGILE
Les changeurs étaient nécessaires afin d’éviter d’avoir des monnaies frappées à l’effigie de l’empereur païen dans le Temple. Par contre, les marchands ne devaient pas être là mais dans la vallée du Cédron.
Attitudes de Jésus :

  • Ses paroles suggèrent aux connaisseurs juifs qu’il est le Messie.
  • Il se prend pour le Fils de Dieu : « maison de mon Père ».
  • Il est violent en gestes, comme certains prophètes : « l’amour de ta maison m’a dévoré ».

La réponse : trois jours ! Pour un juif, le chiffre 3 signifie l’intervention divine. Désormais, la Présence de Dieu n’est pas dans une construction de pierre, mais au coeur même de l’humanité, dans le corps du Ressuscité.

Témoignage d’une victime (d’abus dans l’Eglise) : « Tu arrives à un arrêt en tout point semblable à une gare désaffectée. L’herbe pousse sur les voies et le klaxon de la micheline n’est qu’un souvenir de tes oreilles d’enfant. Ta joie s’est fatiguée à l’ombre du faux. Faux de tout ce qui te saute à la gorge depuis ces années de chutes et de fossés.
Tu as trop vu à l’âge d’apprendre à voir. Aujourd’hui un élan te manque. Tu n’auras jamais pu croire les marionnettistes. Qui peut savoir la douleur sourde et constante de l’enfant qui a vu l’ami de ses parents pratiquer un double langage et duper tout son entourage du haut de sa chaire morale. Qui peut savoir le sang qui coule indéfiniment de ce coup de poignard dans un corps d’enfant ? » (De victimes à témoins)

« Vos corps sont le sanctuaire de Dieu » : Le corps d’un enfant n’est-il pas d’autant plus à protéger, à accompagner dans sa croissance ??!! Le prêtre coupable s’est mué en prédateur et a fait du corps de l’enfant un objet, son idole dont il a fait ce qu’il a voulu pour assouvir ses pulsions. Il a ainsi profané le nouveau Temple de Dieu, niant toute la foi qui l’a précédé, cette foi que Jésus a révélée en sa personne, en son Corps même, détruit par nos péchés, par ces prédateurs mais aussi, en quelque sorte, par nous tous même si nous ne sommes pas coupables de telles abominations envers des enfants. C’est le sens même du carême :
marcher ensemble, comme les hébreux au désert pendant 40 ans, pour être renouvelés mais ne plus retomber dans l’abomination de l’idolâtrie.

« Le Pape parle de la manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église comme le cléricalisme. Qui s’est vérifié dans des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience. Et quand j’ai lu ce texte, j’ai trouvé confirmation de deux abus que j’ai subis. L’un est d’ordre sexuel et l’autre est d’autorité. Mais pour moi ils ont la même racine. Donc voilà j’étais rassuré. Même en étant une victime d’abus, je fais partie du peuple de Dieu. (De victimes à témoins, p.16)

A la messe d’installation en décembre dernier, j’ai tenu à ce que le père Bernardin soit « installé » avec moi, rompant ainsi avec la tradition d’une installation d’un curé. Et le travail synodal non seulement au niveau mondial – avec ses hauts et ses bas, avec ses imperfections et ses résistances internes, et même ses apparentes contradictions au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiale – ce travail synodal nous l’avons entamé en paroisse et il commence à porter des fruits. Nous ne devons pas nous arrêter en chemin. Nous ne devons pas laisser les abus de toute sorte continuer de se répandre dans l’Eglise, Corps du Christ et Temple de l’Esprit.
En ce temps de carême, laissons le pape interpréter lui-même ces témoignages de victimes et conclure mon propos :

« Ainsi, le seul chemin que nous ayons pour répondre à ce mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de Dieu. Cette conscience de nous sentir membre d’un peuple et d’une histoire commune nous permettra de reconnaître nos péchés et nos erreurs du passé avec une ouverture pénitentielle susceptible de nous laisser renouveler de l’intérieur. Pape François, Lettre au peuple de Dieu (20 août 2018)

  • Bertrand Cormier

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