Dimanche 21 septembre 2025 .

Création de la paroisse nouvelle Saint-Benoît du Haut Quercy

– Homélie de Mgr Camiade :
Mes frères,
Quand saint Jean-Marie Vianney a été nommé curé d’Ars, son évêque lui a dit « il n’y a pas beaucoup d’amour de Dieu dans cette paroisse, vous en mettrez ». C’était un très simple et très beau programme. Et c’est toujours valable pour une paroisse, donc utile à rappeler en ce jour de la création de la paroisse nouvelle Saint-Benoît du Haut Quercy. L’oraison du début de la messe de ce dimanche rappelle d’ailleurs aussi cela : toute la loi de sainteté consiste à aimer Dieu et son prochain. Pour réaliser cette mission de faire grandir l’amour de Dieu et du prochain, une paroisse a besoin de l’implication de nombreuses personnes, des prêtres bien sûr, mais aussi des bénévoles laïcs, des partenaires multiples comme le sont les responsables de la société civile et les élus avec qui nous sommes toujours en relation, ne serait-ce que parce qu’en France la plupart des églises appartiennent aux communes.
L’Évangile de ce dimanche évoque le rapport des chrétiens à l’argent et indique le caractère très relatif de l’argent, sans nier qu’il fasse partie de la vie concrète des hommes et des femmes, déjà au temps de Jésus. Nul ne peut servir à la fois Dieu et l’argent : il faut choisir qui est véritablement notre maître, qui est celui que nous servons.
Certainement, au cours des siècles et selon les pays du monde, le rapport à l’argent a varié et peut varier encore beaucoup. Nous vivons dans une société très intégrée où il est pratiquement impossible de se passer d’argent pour vivre. Même l’Église, qui vit en grande partie de gratuité avec des centaines de bénévoles, doit faire face à des dépenses matérielles, entretien ordinaire et quotidien des lieux de culte, chauffage, éclairage, matériel liturgique dont le mobilier, les ornements, les cierges, et bien d’autres choses, dont les assurances et, bien sûr, la gestion de nos bâtiments propres en particulier les presbytères ou maisons paroissiales et les salles de réunion, les frais de formation, de déplacement, la communication sous toutes ses formes, etc. En proportion du nombre de personnes et de la quantité d’activités que nous avons, nous dépensons relativement peu, surtout grâce au bénévolat comme je l’ai déjà dit, et parce que la rémunération des ministres du culte est réellement modeste. Aussi la charge des cadres de l’Église est peu onéreuse si on la compare à celle de beaucoup d’autres organismes. Mais tout additionné, cela fait quand même quelque chose à dépenser chaque année et donc, comme nous n’avons de ressources que des dons, cela nécessite de collecter de l’argent, ce qui se réalise grâce à la générosité des fidèles, les quêtes, le denier de l’Église et aussi quelques legs, forcément irréguliers. La formule habituelle qui peut guider l’évêque ou le curé de paroisse, avec nos collaborateurs chargés des finances, pour une bonne gestion des ressources de l’Église, c’est de « gérer en bon père de famille ».
Alors, mes frères, pourquoi, si comme toute famille dans notre société, l’Église a besoin d’argent, Jésus désigne-t-il celui-ci comme « l’argent malhonnête » ? Littéralement, il faudrait traduire, la « richesse malhonnête ». Cette précision peut aider à comprendre, si l’on sait que dans l’Évangile, Jésus dit ailleurs que les vraies richesses, le vrai trésor c’est l’amour de Dieu et du prochain. Les richesses honnêtes, ce sont les actes accomplis par amour. L’argent qui se croit juste simplement parce qu’il établit une forme d’équité, de mesure objective du prix du travail ou de la valeur des choses, n’est, en réalité, pas la mesure avec laquelle Dieu nous mesurera à notre mort. Celui qui a accumulé des richesses, après sa mort, n’aura plus rien. Ce qui lui restera, sa vraie valeur, ce ne sera pas son compte en banque ni son patrimoine, mais ce sera l’amour avec lequel il aura aimé durant sa vie. Cela seul lui appartient en propre et ne lui sera jamais confisqué. L’amour ne se mesure pas en euros ni en yuans, ni en dollars, mais plutôt à l’échelle de sa ressemblance avec l’amour de Dieu, qui aime d’abord les petits qui sont ses frères (cf. Mt 25). La mesure de l’amour est une véritable inversion des valeurs, facilement déconcertante. Mais nous sommes tous capables d’identifier si nous dépensons notre argent en vue de faire du bien à d’autres personnes et de rendre gloire à Dieu ou si nous le faisons simplement pour nous-mêmes, par égoïsme, pour notre auto-satisfaction. L’argent malhonnête est trompeur parce qu’il ne mesure pas la valeur de nos actes ni la qualité morale de la gestion que nous faisons des biens qui nous sont confiés. On peut réaliser la même opération financière avec une intention généreuse ou par égoïsme et cette différence, nous la percevons si nous entrons en nous-mêmes. Et, quoi qu’il en soit, Dieu la connaît.
A l’heure de la création d’une paroisse nouvelle, cet évangile nous appelle donc à revenir à l’essentiel : certes, la paroisse nouvelle est créée après la suppression de paroisses anciennes qui ont eu leur vitalité pendant des siècles, mais ne correspondent plus à la vie actuelle de l’Église ni de la société lotoise, après un exode rural très fort et une sécularisation profonde. L’Église aujourd’hui, doit se recentrer sur l’amour de Dieu et du prochain et non se crisper sur les souvenirs du passé. Elle doit vivre la fraternité chrétienne avec tous ceux qui le veulent, à l’échelle des moyens d’aujourd’hui, moyens humains avec nos forces vives disponibles, moyens sacerdotaux avec les prêtres aujourd’hui envoyés par le Seigneur dans son Église, moyens matériels, avec la générosité des fidèles et les autres outils et soutiens qui peuvent servir à notre mission.
Et notre mission quelle est-elle ? Rappelons-le ! Depuis les débuts de l’Église, il y a essentiellement une triple tâche de l’Église : annoncer et témoigner fidèlement de l’Évangile de Jésus-Christ, servir nos frères et la société, spécialement les plus fragiles et enfin, célébrer les sacrements et les autres rites qui nous rattachent à l’œuvre salvifique de Jésus-Christ. Des mots grecs correspondent à ces trois notes essentielles kerygma-martyria (annonce-témoignage), diaconia (service) et leitourgia (célébration liturgique). Une paroisse ne doit jamais perdre de vue aucune de ces trois dimensions : c’est comme un trépied, si manque un des trois, le tabouret tombe !
L’annonce est aujourd’hui devenue d’autant plus urgente que beaucoup de nos contemporains ne connaissent rien —ou seulement quelques caricatures— de la Bonne Nouvelle de Jésus. Le nombre d’enfants catéchisés est réduit, mais une forte demande se manifeste, en particulier venant de jeunes adultes, pour connaître la foi chrétienne. Et un certain nombre demandent le baptême ou d’autres sacrements. Le service des pauvres s’accomplit aujourd’hui en France en lien avec les services sociaux et divers acteurs, associatifs ou professionnels du soin, de l’aide sociale ou psychologique, ce qui n’empêche pas que les chrétiens y jouent un rôle irremplaçable. Je pense en particulier à la visite aux malades et l’écoute de leurs besoins spirituels, à l’accueil attentif des personnes en difficulté sociale dans nos groupes et dans nos assemblées où elles peuvent trouver une place et parfois une mise en lien avec les organismes pouvant les accompagner, mais aussi avec nos associations confessionnelles propres qui œuvrent au niveau local ou international. La liturgie, enfin, est l’aspect le plus visible de notre mission car les cloches sonnent, les orgues retentissent, les chants s’élèvent vers Dieu, des groupes parfois nombreux de fidèles se réunissent et repartent pleins d’espérance. La célébration d’aujourd’hui en est un bel exemple. Nous ne venons pas à la messe pour nous-mêmes seulement, mais bien pour porter dans la prière toute la vie de nos villages et de nos quartiers, afin que Jésus sanctifie tout ce qu’il y a de bon et d’habité par l’amour dans le monde qui nous entoure.
Annoncer, servir, célébrer : retenons cette triple mission, mettons-y notre énergie et nos moyens, généreusement et avec confiance dans le Seigneur qui nous envoie et n’abandonne jamais ceux qui comptent sur lui !
Amen.
– Discours final (à l’ancienne maison des sœurs) :

En ce jour où est érigée canoniquement la paroisse Saint-Benoît du Haut-Quercy, je suis heureux de saluer chacun de vous qui êtes présents et aussi spécialement les élus, Messieurs les maires, Madame la conseillère départementale et les autres élus. Vous nous honorez de votre présence et nous sommes heureux de partager ce moment important ensemble. Le regroupement de ces paroisses existe depuis un certain temps et l’on peut dire que l’histoire de ce territoire religieux a été préparée depuis pas mal d’années, le groupement de Cressensac notamment a été un temps rattaché à celui de Souillac, puis à celui de Martel. Aujourd’hui, on pourrait dire qu’il fait la jonction. En tout cas, le travail en commun qui se réalise est un signe important pour notre temps, un signe d’unité dynamique sans oublier personne.
Vous avez choisi pour votre paroisse nouvelle le nom de Saint-Benoît du Haut-Quercy. Le patronage de saint Benoît nous rappelle une chose essentielle : toute action de l’Église prend sa source dans la prière. Vous le savez, Benoît, après avoir été dégoûté des mœurs dépravées dans la ville de Rome où il était étudiant, a d’abord voulu se retirer dans une grotte à Subiaco, où vivait un ermite disposé à l’accueillir et l’accompagner spirituellement. Il avait été guidé jusqu’à cet ermitage par son désir radical de retrouver Dieu et de le prier dans la solitude. De là, après une première expérience communautaire compliquée, il s’est de nouveau mis à l’écart à Subiaco, puis au Mont Cassin, deux lieux où il fut rejoint par des jeunes qui voulaient vivre l’Évangile et à qui il a donné une règle de vie. Sa prière et sa méditation des Écritures lui ont ainsi permis d’inventer la vie bénédictine, un genre de vie communautaire qui articule le silence, le travail intellectuel, le travail manuel et la liturgie. Des moines, encore aujourd’hui, vivent cet idéal et même si l’abbaye de Souillac n’a plus eu de communauté bénédictine depuis la Révolution, elle garde dans son architecture, les traces de cette tradition de prière et de travail qui transforme les hommes et les rend plus attentifs au Seigneur et plus fraternels entre eux.
Au cours des siècles, la sagesse de vie contenue dans règle de saint Benoît a inspiré de façon très profonde la culture et le mode de vie sociale dans toute l’Europe. En effet, au Moyen Âge, les monastères, très nombreux et présents dans presque tous les territoires entretenaient d’étroits contacts avec les populations alentour et contribuaient à répondre à de nombreux besoins : écoles, bibliothèques et parfois aussi soins médicaux ou autres aides sociales… Paul VI, en 1964, a ainsi désigné saint Benoît comme un des saints patrons de l’Europe. Aujourd’hui encore, lorsqu’on parle de bientraitance, de respect de chacun, de gestion des conflits et de justesse dans les relations avec l’autorité, le recours à la règle bénédictine est souvent un guide pertinent, même pour ceux qui ne sont pas moines —en faisant, bien sûr, les transpositions nécessaires. Je vous encourage, vous tous, les paroissiens de Saint-Benoît du Haut-Quercy, à être spécialement les témoins de cette richesse humaine et spirituelle pour vous-mêmes et dans le Diocèse !
Merci à tous ceux qui ont tant travaillé à la création de cette paroisse nouvelle, aux pères Bertrand Cormier et Bernardin Gomez, aux membres de l’EAP et des différents conseils. Je pense à tous ceux qui continueront à prendre soin de tous les aspects de la vie paroissiale : catéchèse, communication, vie matérielle, liturgie, sacristies, nettoyage, ouvertures et fermetures des églises, etc. Par la fête d’aujourd’hui se manifeste déjà un beau témoignage de cette communion de communautés, de cette disponibilité aux assoiffés et de ce désir missionnaire qui vous habite tous. Que saint Benoît intercède pour vous tous et fasse sans cesse grandir en vous le désir de Dieu et d’une vie fraternelle rayonnante.
